
Le monde de Harry Potter, décrit par J.K. Rowling, illustre très bien la compréhension de la science et du processus scientifique par l’homme moderne. Les connaissances magiques se trouvent dans des livres spéciaux. Il existe des artefacts magiques dans ce monde. Mais nulle part n’est décrit le processus d’acquisition de ces connaissances et de création des artefacts. On a l’impression que le monde de Harry Potter est une sorte de post-apocalypse ou de Moyen Âge, où la science a disparu, les chercheurs ont péri et tout le savoir est conservé dans d’anciens écrits, ayant un caractère plutôt fragmentaire.
Les écoles de sorcellerie ne parviennent pas à former correctement les héros à la magie. Le système d’enseignement est confus et incohérent. Dans le conte, il n’y a personne qui écrive des livres, crée des artefacts ou concrétise des technologies magiques. Aucun des enseignants n’explique les phénomènes ou les techniques étudiés. C’est simplement : « C’est de la magie ». Même la « nouveauté », le balai Nimbus 2000, est une sorte de donnée acquise et il n’est nulle part précisé en quoi, à part des slogans marketing, il se distingue de la version précédente ou suivante.
Le processus scientifique est tout simplement hors du contexte de J.K. Rowling, et c’est pourquoi elle n’a même pas pensé à le décrire. Pour elle, comme pour 99 % de la population, l’iPhone est une donnée ou, dans la terminologie des contes, un artefact magique. Tous les « savoirs » dont dispose 99 % de la population sont fragmentaires et ne forment pas un système, accessibles dans des manuels scolaires et non applicables dans la vie réelle.
Il est possible que l’incompréhension du rôle de la science et la croyance en l’impossibilité d’acquérir de nouvelles connaissances par soi-même soient le résultat d’une infantilisation croissante de la société. Autrefois, les enfants qui survivaient devenaient entièrement autonomes à partir de 12 ans, puis à 16 ans, puis à 18 ans. Aujourd’hui, les enfants sont élevés jusqu’à 25-30 ans et, jusqu’à cet âge, ils dépendent de leurs parents et ne sont pas capables de mener une vie autonome ni de prendre des décisions par eux-mêmes. Le niveau moyen d’infantilisme dans la société augmente d’une manière ou d’une autre. Le manque de foi en l’autonomie est également très bien reflété dans Harry Potter, où il est acceptable que la maison soit choisie par un chapeau, que la baguette choisisse le sorcier et que la coupe sélectionne les participants au tournoi.
La perception par la société de la science comme un processus d’acquisition de connaissances à partir de quelque chose de déjà écrit ou réalisé menace le processus scientifique. Cela pourrait nous conduire à un nouveau Moyen Âge, où il n’y a pas de science, mais des « magiciens ».