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«La biologie du comportement humain», Robert Sapolsky
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La pensée en dehors des catégories
Au lieu d’apprendre par cœur des caractéristiques absolues de quoi que ce soit, il est plus pratique de tout diviser en catégories et de penser en termes de catégories. Raisonnant par catégories, nous sommes en mesure de mieux mémoriser et d’évaluer les choses dans différentes situations. L’inconvénient de cette approche est que si l’on accorde trop d’attention aux cadres, on ne voit pas l’ensemble. Tout ce qu’une personne qui pense de cette manière perçoit, ce sont des catégories. Si l’on s’attarde trop sur les catégories, on peut ne pas remarquer la différence entre les objets d’une même catégorie et surestimer la différence entre les objets de deux catégories différentes.
Exemples.
Dans certains domaines où les catégories ne sont pas du tout présentes, nous les créons.
- Couleurs.Le spectre des couleurs allant du rouge au violet est divisé en catégories — des couleurs distinctes. Nous séparons le spectre à des endroits qui nous semblent pratiques et appelons certains intervalles de ce spectre des couleurs. Cela nous permet de stocker l’information plus facilement. Cependant, des personnes d’un autre groupe linguistique peuvent diviser le spectre des couleurs différemment. Une couleur identique pour un représentant d’une culture peut être perçue comme deux couleurs différentes par un représentant d’une autre culture.
- Sons.Différentes cultures divisent le spectre sonore en intervalles variés et les appellent des sons. Des sons à peu près identiques dans une langue peuvent être perçus comme différents dans une autre langue. Par exemple, les Finlandais ne ressentent pas de différence entre les sons « v » et « p ».
- Цифры.Entre la séquence numérique «4, 14, 23, 34», il y a un lien, quel sera le prochain nombre ? La bonne réponse est : «42». Pourquoi ? Ne tentez pas de trouver une régularité mathématique. Ce ne sont que des numéros de stations de métro à New York. Une personne qui ne connaît pas ce métro aurait du mal à créer une même catégorie pour ces chiffres. Une catégorie compréhensible pour les habitants d’une ville peut poser des problèmes de compréhension pour ceux d’autres villes.
Erreurs désastreuses de la pensée catégorielle
BéhaviorismeJohn Watson, le fondateur du béhaviorisme, pensait qu’en contrôlant complètement l’environnement d’une personne, on pouvait en faire n’importe qui : médecin, avocat, mendiant, voleur. Les partisans du béhaviorisme affirmaient qu’en contrôlant les récompenses, les punitions, les renforcements positifs et négatifs, on pouvait transformer n’importe qui en ce que l’on voulait. C’est un exemple d’une personne enfermée dans les limites de sa catégorie. Il est maintenant connu qu’il suffit d’ajouter un seul facteur supplémentaire (par exemple, la famine en protéines pendant la période intra-utérine) pour que les principes du béhaviorisme échouent. Il est impossible d’obtenir un contrôle total sur l’environnement et de faire de quelqu’un ce que l’on veut.
Lobotomie frontaleÉgas Moniz est un neurologue portugais et l’auteur de la lobotomie frontale. Il a présenté la lobotomie comme un moyen de traiter les troubles mentaux. À cette époque, les cerveaux de dizaines et de centaines de milliers de personnes ont souffert à cause d’un homme, pathologiquement enfermé dans ses schémas de pensée catégorielle.
Sélection racialeKonrad Lorenz était un scientifique qui avait sa propre vision des races, des ethnies et de la génétique. Malgré sa contribution significative à la science, il a vigoureusement soutenu le régime nazi et prôné la sélection raciale.
Commencer à penser en catégories, c’est nuire au monde de la science. Il est essentiel de s’efforcer de ne pas répéter les erreurs de ce type de pensée.