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Imaginez une centrale nucléaire. Il faut décider comment répartir le combustible dans le réacteur. Où placer quel combustible avec quel enrichissement, où recharger les assemblages partiellement brûlés, où mettre les nouveaux, et ainsi de suite. Il existe un règlement standard qui décrit les principes à suivre pour cela. Ce règlement est le résultat du travail, des connaissances et de l’expérience de nombreuses années d’un grand nombre de scientifiques et d’ingénieurs. Mais imaginons qu’à la centrale nucléaire, on décide que pour prendre la bonne décision et prendre en compte les avis de tous, il faut constituer un « comité de combustible » et écouter ce que diront les transporteurs sur la manière la plus appropriée de transporter les assemblages, ce que diront les économistes sur les coûts, ce que diront les comptables sur l’argent, ce que diront les acheteurs sur le calendrier des achats et les spécialistes de l’élimination sur la manière et l’endroit où éliminer le combustible, ce que dira le service des ressources humaines sur la disponibilité des spécialistes, leurs congés, et ce que dira le service de santé sur les doses d’irradiation prévues.
Oui, bien sûr, tous les services sont impliqués dans le processus de rechargement du combustible. Et si on leur posait la question, la réponse serait évidente : il ne faut pas recharger le combustible. Cependant, la voix du simple ingénieur, qui est le seul à connaître le règlement, se perdra ou sera noyée lors du vote. Ou pire encore, ils entreront dans des débats non productifs et la décision sera reportée d’un mois supplémentaire. C’est précisément pour cela que cela ne se produit pas dans les centrales nucléaires. Mais pour une raison quelconque, dans d’autres domaines, on a tendance à croire que dix personnes incompétentes peuvent prendre une décision plus compétente qu’une seule personne compétente (ou, au pire, réellement responsable selon son poste), malgré l’expérience, les règlements et les connaissances déjà acquises. Et si ces personnes ont des doutes sur leur propre compétence, elles décident d’inviter encore quelques personnes dont la compétence sera évaluée… par les mêmes dix.