Nous sommes des animaux sociaux de type hiérarchique. Nous avons soif de communication et on nous en donne. On nous oblige à regarder la télévision, en nous offrant de temps en temps une petite friandise sous forme d’informations utiles ou d’émissions intéressantes. Mais si l’on regarde la télévision avec un chronomètre, on se rend compte que son utilité n’est pas à la hauteur du temps que l’on y consacre. « Et les nouvelles ? » demanderont certains. Mais quelles nouvelles vous concernent personnellement ? Aujourd’hui, même si l’on vous communique de nouvelles informations, c’est souvent pour vous manipuler. Vous n’avez pas d’outil pour distinguer le mensonge, la demi-vérité et la vérité. « Et le sport ? » demandera une autre catégorie de téléspectateurs. Allez au stade, regardez des émissions sportives en compagnie dans un pub, ne restez pas collé à l’écran !
La télévision a remplacé nos échanges en direct. Les « cellules de mémoire » destinées aux proches sont occupées par des politiciens et des marques. Nous confions la gestion du pays à des personnes que nous connaissons à peine, simplement parce qu’on nous a donné l’impression qu’elles sont un choix digne, tandis que notre voisin mérite moins de confiance. En fait, vous ne savez même pas comment il s’appelle.
Une autre chose qui vous empêche de vivre avec la télévision, c’est l’excitation constante de l’anxiété et de la peur de la mort. Regardez la liste des sujets d’actualité avec un crayon à la main et comptez combien de fois on vous rappelle la mort. Sous stress, une personne cherche du réconfort dans la consommation. Si on rappelle à quelqu’un qu’il est mortel, il sera plus enclin à acheter des choses coûteuses. Si une personne est inquiète, elle cède plus facilement aux tentations sous forme de bonbons, de chips ou de cigarettes. Regardez maintenant la publicité qui suit les nouvelles sous un autre angle.
Mais lorsque vous vous débarrasserez de votre télévision, que vous cesserez de cliquer frénétiquement sur la télécommande ou sur le bouton « actualiser » sur les réseaux sociaux, tel un rat avec un électrode dans la tête, vous vous tournerez automatiquement vers la communication. Les nouvelles importantes vous parviendront de toute façon. Parmi les nouvelles diffusées à la télévision, il n’y en a plus aucune qui soit essentielle pour prendre des décisions immédiates. Au contraire, les nouvelles que l’on vous transmet par le biais de la télévision le sont pour que vous fassiez quelque chose que vous n’aviez pas besoin de faire. Si une émission est diffusée pour vous, c’est que l’on attend quelque chose de vous. Sans votre participation, le monde ne s’effondrera pas. Personne ne vous révélera de secrets et vous ne perdrez rien si vous recevez ces nouvelles par d’autres. Vous communiquerez davantage et acquerrez plus de connaissances. La plupart des livres que nous lisons nous sont recommandés par d’autres. Vous choisirez ce que d’autres ont choisi et obtiendrez une source d’information plus fiable sur les produits et services que la publicité. Et vous vous ferez de nombreux amis. Vos « cercles », dont le nombre correspond à celui de Dunbar, se libéreront des personnes dont vous n’avez pas besoin — maires, ministres, artistes et « célébrités ». Au 21ème siècle, celui qui gagne est celui qui a le plus de liens sociaux.
Une société dépourvue de cohésion sociale est facilement manipulable et contrôlable. Il est tout à fait compréhensible qui a intérêt à ce que les enfants cessent de jouer ensemble dans les cours et restent chez eux, rivés sur leurs consoles de jeux, et qui souhaite que les adultes, au lieu d’aller dans un club ou à l’église, sortent dans la cour pour se plonger dans des émissions de télé-réalité ou écouter un télévangéliste, une bouteille de drogue légalisée à la main. Le dernier bastion de la sociabilité dans ce monde, ce sont les parcs pour chiens 🙂 D’ailleurs, un chien est plus intéressant que la télévision.